L'abécédaire strygien de Corbeyran

Notre écrivain de référence pour la série est incontestablement H.P. Lovecraft. C'est à lui que nous devons l'envie de créer une nouvelle mythologie universelle.

Les Stryges, dans une certaines mesure, c'est un peu l'équivalent des « grands anciens », ces créatures de cauchemar si chères à cet immense écrivain.

Le lecteur progresse dans l'enquête au même rythme que les protagonistes. Au départ, personne ne sait rien. On découvre les choses au fur et à mesure. On récupère les indices sans toujours savoir ce qu'on en fera plus tard, on anticipe, on déjoue les pièges, ou on tombe dedans.

C'est la loi du genre. Le phénomène se livre petit à petit mais on a finalement du mal à avoir une idée précise de ce que sont réellement les Stryges car les informations récoltées sont incomplètes. C'est ce qui agace. Mais c'est peut-être aussi ce qui fait le charme...

Cet ouvrage pseudo-scientifique rédigé par Peter McKenzie décrit les Stryges comme un phénomène avéré.

L'auteur évoque des faits troublants mettant en scène des créatures ailées et met en perspective des ressemblances flagrantes entre diverses mythologies complètement différentes.
Ce livre nous a été précieux pour commencer à écrire la série. Il nous a aussi fait bien marrer !

L'histoire appartient à chacun car chacun, petit ou grand y participe à sa manière. Généralement, l'histoire est écrite par les vainqueurs et ce sont les dates des batailles qui donnent les points de repère essentiels.

Réécrire l'histoire en passant par un filtre nouveau est un exercice amusant.

Si on part du principe que les Stryges existent et qu'ils nous manipulent, alors tout ce qu'on sait depuis la nuit des temps peut être revu et corrigé, reconsidéré...

C'est un travail de fourmi, mais c'est bigrement excitant.

S'il faut caser la série quelque part dans un genre, je la qualifierais plutôt de réalité alternative. Nous sommes dans le monde réel, mais nous avons changé une donnée cruciale : les hommes ne sont pas seuls.

Les Stryges les accompagnent depuis l'aube de leur humanité. Ils sont même peut être à l'origine de leur humanité.

Réjouissante perspective, n'est ce pas ?

Comme beaucoup d'éléments dans la série, le nom de Nivek est lisible dans les deux sens. La dualité occupe une large place et j'irai même jusqu'à dire qu'elle est au centre de la série.

Aujourd'hui, on voit fleurir beaucoup de séries de ce genre dans les rayons des librairies, et parfois de grande qualité. Mais il semble que le thriller fantastique contemporain n'existait pas sous forme de bandes dessinées avant Le Chant des Stryges. Nous n'en avions pas vraiment conscience à l'époque, mais je crois qu'on a ouvert la voie.

Le dessin réaliste de Richard est un élément déterminant du succès de la série. Il sait traduire chaque geste, chaque mouvement, chaque expression, chaque non-dit, avec une subtilité et une précision diabolique.

Une série comme Le Chant des Stryges est un chantier ambitieux et titanesque qui ne peut se construire sans une étroite complicité. Richard et moi travaillons toujours au coude à coude à la conception de chaque album. Ensuite chacun fait confiance à l'autre pour la réalisation.

Au sens strict du terme (terme issu de la mythologie grecque), les Stryges sont des créatures féminines qui sucent le sang ou épuisent la vitalité des jeunes gens dans leur sommeil (comme les lamies, les succubes ou les vampires).
Nous avons donné au mot un sens plus large et aux créatures un rôle plus important en leur offrant sur un plateau la domination occulte du monde des humains. Joli cadeau, non ?

La toile de fond est gigantesque (il s'agit d'une véritable mythologie !) et chaque série aborde le phénomène d'une manière originale, tant au niveau du temps (Moyen Âge, XIXe siècle, de nos jours et bientôt dans le futur) qu'au niveau de la narration proprement dite. Par exemple, Le Maître de Jeu commence par l'apparition d'un Stryge dès la première case de la première page, alors qu'il faut attendre la dernière case de la dernière page du tome 2 du Clan des Chimères pour en apercevoir...

Les titres de la série sont tous au pluriel. Encore un rappel à l'aspect duel des choses. Rien n'est unique. Et surtout pas le point de vue sur notre réalité...

La réalité est une notion tout à fait relative et de plus en plus controversée.
La science qui nous a tant fait progresser sur la compréhension du monde qui nous entoure est en train de se rendre compte que plus on avance, moins on a de certitudes justement sur le sens de cette réalité qui nous semble si... « réelle ».
Ce constat laisse donc la place à tous les délires et à toutes les spéculations...
On ne va pas s'en priver !...

La série devait-elle adopter un décor américain ? On s'est posé la question. Pas longtemps. On en est vite arrivé à la conclusion que tout peut arriver à condition que ça se passe... là bas !
La mentalité et le mode de vie des Américains nous sont apparus comme un excellent terreau pour développer noter théorie sur les Stryges. Et puis les lecteurs acceptent mieux certaines choses lorsqu'elles se déroulent dans certains décors.
C'est comme un code, une règle implicite à laquelle il est dangereux de déroger.

La première saison révélait les secrets d'un livre : Contact & Inducement. Cet ouvrage rédigé vers la moitié du XXe siècle par Peter McKenzie, un pseudo-scientifique illuminé, est une approche globale du phénomène « Stryges » , mais c'est un bouquin pour néophyte, une sorte de « Les Stryges pour les Nuls » !
Avec « Le Grimoire de Vénoncius », qui apparaît dans la deuxième saison, on a affaire à un ouvrage totalement différent. Rédigé par un moins ayant perdu la foi et la raison, ce manuscrit est une oeuvre obscure, incompréhensible, tourmentée, difficile d'accès et indestructible. Il est l'objet de toutes les convoitises car il contient le secret pour détruire les Stryges. Les paroles du diable auraient-elles guidé la main de son auteur ? ...

A l'heure où vous lisez ces lignes, l'épisode 11 est complètement scénarisé et le contenu du 12e tome est entièrement défini. La quête de l'Ombre touche à sa fin. Elle se découvre, elle tue et elle aime...
Cette seconde saison lui était consacrée, c'est donc elle qui aura le dernier mot.

Lorsqu'on s'intéresse à un sujet, quel qu'il soit, on remarque souvent qu'une question en appelle une autre. Le savoir n'a pas de limite, car la question qu'on se pose est toujours là même : qu'y a-t-il de l'autre côté du voile ? Le suspense fait appel au même type de réaction. C'est notre curiosité, note avidité qui créent l'envie de connaître la fin. Mais la question essentielle qui nous accompagne tout au long de notre quête est la même : qu'y a-t-il derrière le voile ? ...